L’action directe contre les P&I clubs

Par Maître Xavier DELPLANQUE et Monsieur Gilles HELIGON

Introduction

Au lendemain de la décision de la Cour suprême espagnole dans l’affaire du Prestige, la sécurité, et son corollaire l’assurance, se trouvent au cœur de l’actualité.

Par cette décision, intervenue le 14 janvier 2016, le Tribunal Supremo (Sala de lo Penal), a condamné le London P&I Club au paiement d’un milliard de dollars sous le fondement de l’action directe de la victime contre l’assureur de la personne auteur du dommage, en tant qu’assureur responsabilité civile du propriétaire du navire.

Comme en droit espagnol, la victime dispose, en droit français, d’un droit propre et exclusif sur l’indemnité d’assurance garantissant la responsabilité de l’auteur du dommage, par le biais de l’action directe. Ce droit a été consacré par les textes législatifs dansle premier alinéa de l’article L.124-3 du Code des assurances pour le droit commun des assurances, repris en substance à l’article L.173-23 en matière maritime, qui dispose que: « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (…) »; ces dispositions ont un caractère impératif (en application de l’article L171-2).

Le fondement d’une telle action est de permettre à la victime de se prémunir contre la négligence d’un assuré et d’appréhender directement l’indemnité d’assurance sans que celle-ci transite dans le patrimoine de ce dernier. Ainsi l’assurance responsabilité civile est obligatoire pour tous les véhicules circulant dans l’espace communautaire. Considérant l’importance, pour les victimes d’accident de la circulation, d’une telle obligation générale d’assurance et dans l’objectif de lui donner plein effet, le droit de l’Union européenne consacra l’existence d’une action directe au profit de la victime aux Etats membres:

« Les États membres veillent à ce que les personnes lésées à la suite d’un accident causé par un véhicule couvert par l’assurance visée à l’article 3 disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de l’entreprise d’assurances couvrant la responsabilité civile de la personne responsable ».

Certes une telle obligation n’existe pas encore en transport maritime. Mais l’obligation d’assurance responsabilité civile et la reconnaissance de l’action directe en droit européen permettent de l’appliquer là où elle est autorisée.

Néanmoins, cette protection supplémentaire est confrontée au particularisme des P&I Clubs, qui assurent la responsabilité civile de la quasi-totalité des armateurs.

La question est alors de savoir dans quelle mesure l’action directe contre un P&I Club est possible.

Notre opinion est que l’action directe contre les P&I Clubs doit être reconnue lorsque celle-ci est d’ordre public, dans la législation de l’Etat membre nonobstant l’inopposabilité des conditions spécifiques du droit Anglais et des conditions contractuelles propres à l’assuré.

 


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