OPPOSABILITE DES CLAUSES DE COMPETENCE DES CONNAISSEMENTS

 

L’arrêt, très intéressant, rendu par la Cour de Cassation le 27 septembre 2017[1] constitue un coup de frein important sur l’opposabilité des clauses de compétence des connaissements au destinataire réel.

 

Rappelons que le destinataire réel (c’est-à-dire celui qui, non mentionné au connaissement, a subi le préjudice) dispose d’un droit d’action directe contre le transporteur maritime.

 

On se souviendra qu’à la suite de l’adoption du règlement de l’Union Européenne régissant la compétence judiciaire, la Cour de Cassation avait considérablement élargi le principe de l’opposabilité des clauses de compétence aux tiers porteurs du connaissement.

 

Ainsi dans une affaire ancienne que l’on rappellera ci-dessous, un exportateur Kenyan avait confié à un commissionnaire de transport l’organisation du transport d’un conteneur d’avocats, de Nairobi jusqu’à Marseille.

 

Ce dernier avait confié le transport maritime à DAL, lequel l’avait fait charger à bord du navire de DELMAS, dans le cadre d’un accord de VSA. Lors du dépotage dans les entrepôts du destinataire réel à Marseille, les avaries avaient été protestées.

 

Le Tribunal de Commerce de Marseille s’était déclaré territorialement compétent par un jugement en date du 12 janvier 2007[2], estimant que le destinataire réel n’était pas partie au connaissement émis par le transporteur.

 

Par un arrêt en date du 11 octobre 2007[3], la Cour d’appel d’Aix en Provence avait  confirmé le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en y ajoutant le rappel de la nécessité de l’acceptation de la clause de compétence.

 

La Cour de Cassation  avait décidé, dans un arrêt en date du 16 décembre 2008, qu’une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur, insérée dans un connaissement, produit ses effets à l’égard du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l’acquérant, il ait succédé aux droits et obligations du chargeur, en vertu du droit national applicable ; que, dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard de l’article 23 du Règlement susvisé.[4]

 

Or, dans de nombreuses situations commerciales, le destinataire réel ne connait pas le transporteur maritime et n’acquiert pas, en général, le connaissement qui, bien souvent, ne circule même plus, celui-ci ne valant que comme reçu pour embarquement, notamment pour les transports de ligne.

 

Il demeurait donc la question de savoir si le destinataire réel, ni désigné ni porteur du connaissement, pouvait éviter l’opposabilité de la clause de compétence.

 

La décision aujourd’hui rendue par la Cour de cassation consacre l’inopposabilité de la clause de compétence au destinataire réel, qui n’est pas mentionné et n’a pas acquis le connaissement.

 

L’acquisition du connaissement doit être prouvée par le transporteur maritime. Or, bien souvent, le connaissement n’existe qu’entre le commissionnaire et le transporteur.

 

Rappelons en outre qu’il peut être donné instruction au commissionnaire de refuser la clause de compétence qui, dans ce cas, ne sera jamais rendue opposable.

 

Le destinataire réel de la marchandise peut donc désormais, sans risque, faire valoir ses droits à l’encontre du transporteur maritime devant le tribunal du lieu de livraison, nonobstant toute clause de compétence.

 

 

 

 

[1]  Cour_de_cassation_civile_Chambre_commerciale_27_septembre_2017_15-25.927_

[2] Cf. Jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 12 janvier 2007, RG 2005F04483

[3] Cf. Arrêt sur contredit de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 11 octobre 2007, RG 07/01534

[4] Cf. Règlement CE n° 44/2001